Rav Oury Cherki

Rachbatz face à l’islam

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Les juifs ont depuis toujours été interpellés par les confessions environnantes. Les « disputations » du moyen-âge face au christianisme sont notoires. Par contre les confrontations avec l’islam sont rares, car critiquer l’islam présentait – à l’époque - un danger physique immédiat. Dans ce contexte, la stature de notre maitre Rachbatz apparait dans toute sa hauteur, pour avoir introduit dans la partie philosophique de son Magen Avot (= bouclier des Pères), une analyse extrêmement détaillée du christianisme et de l’islam. Cette partie du Magen Avot a été supprimée dans la première édition (imprimée à Livourne en 1785 par les rabbins d’Alger) pour des raisons de censure, puis imprimée clandestinement sous le nom de Kechet Oumagen (= arc et bouclier).

L’analyse de Rachbatz est très fortement documentée. L’abondance des sources coraniques citées rivalise avec le détail des différentes sectes de l’islam, dont les thèses sont clairement exposées, ainsi que les opinions des philosophes : Alfarabi, Avicenne, Ghazali et Averroès.

Notre attention a été attirée par deux points susceptibles d’intéresser la modernité. Tout d’abord le reproche que fait Rachbatz à l’islam d’avoir inversé la hiérarchie des valeurs. En effet alors que le blasphème envers le Créateur n’est pas gravement sanctionné, l’islam condamne à mort sans jugement celui qui injurie le prophète.

De plus, reprenant Rabbi Yehouda Halévi, Rachbatz indique une contradiction interne dans le fondement même de l’islam : sa prétention à l’universalité. Comment, dit Rachbatz, peut-on prétendre être délégué pour l’ensemble des hommes sans distinction de nationalité ou de couleur, alors que l’accès à la connaissance de l’authenticité du Coran nécessite la connaissance de la langue arabe ? N’y aurait-il pas là une volonté d’imposer la primauté d’une identité nationale particulière sous le couvert d’un discours cosmopolite ?

Ces réflexions d’un des plus grands maitres du judaïsme ayant illuminé la communauté d’Alger, méritent d’être méditées de nos jours comme dans les temps passés.