Rav Oury Cherki
Devarim - Le discours occulté
Tamouz 5781
Le discours d'adieu de Moise au peuple d'Israël qui commence dans la section de Devarim est focalisé au début sur le rappel de la faute des explorateurs. Une lecture attentive du texte nous amène à comparer le récit d'ici avec celui du livre de Bamidbar. L'argument du peuple est le même dans les deux relations : la peur du combat, face à un ennemi redoutable. Ce qui diffère de manière sensible est la réponse qui est donnée à cette peur. Alors que dans Bamidbar c'est Caleb qui répond aux inquiétudes du peuple sans que Moise n'intervienne, notre paracha nous révèle le discours de Moise et occulte le discours de Caleb. C'est comme si la Tora voulait que le lecteur ne compare pas les deux discours de prime abord, ce qui aurait été inévitable si les deux avaient été amenés dans le même récit. En effet la teneur des deux discours est de nature très différente. Caleb motive le peuple au combat : "montons, montons ! Nous possèderons la terre, nous le pouvons !... Dieu est avec nous, ne les craignez pas !" (Bamidbar 13, 30 et 14, 9). Or, dans notre paracha Moise emploie une argumentation très différente : "je vous dit : ne soyez pas effrayés ni ne les craignez. L'Eternel votre Dieu, qui marche devant vous, c'est Lui qui luttera pour vous, comme tout ce qu'Il a fait pour vous en Egypte a vos yeux" (Devarim 1, 29-30). Moise a donc tenu compte de la faiblesse du peuple et leur a proposé de compter sur l'intervention miraculeuse de la Providence, au lieu de les encourager à combattre. Ce mode de comportement convient au temps du désert, mais n'est pas approprié à Erets-Israël, qui est le lieu de la providence par le biais des lois de la nature, qui impliquent l'effort militaire. Là, le texte nous donne une série d'enseignements : 1) la réaction à la poltronnerie du peuple, pour cause disqualifié pour la conquête : "nul homme, de cette mauvaise génération, ne verra la bonne terre que j'ai promis" (1, 35). 2) "excepté Caleb… car il a été fidèle à Dieu" (1, 36). Or Caleb n'avait pas été mentionné jusqu’à présent. Il y a la une allusion évidente à son discours dans Bamidbar. 3) la divulgation de la véritable raison de l'empêchement de Moise d'entrer en Canaan : "Dieu s'est emporté aussi contre moi, me disant : toi aussi tu n'y entreras pas" (1, 37). C'est donc son discours de piété, insistant sur les miracles, qui l'a disqualifié ! 4) le choix du dirigeant apte : "Josué bin-Noun qui se tient devant toi, c'est lui qui y entrera, renforce-le, car il la donnera en possession à Israël" (1, 38).
C'est une leçon fondamentale de comportement politique que nous donne ici la Torah.