Rav Oury Cherki

Ne pas célébrer Yom Haatsmaout, c’est faire preuve d’ingratitude!



Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay dans "L'Ptit Hebdo"



Iyar 5776



Le P’tit Hebdo: Vous avez publié un livre de prières pour Yom Haatsmaout ainsi que pour Yom Yeroushalayim, "Beit Mal’hout", sur le modèle des livres de fêtes. Pourquoi?

Rav Oury Cherki: Yom Haatsmaout tout comme Yom Yeroushalayim sont des manifestations de la bonté de D’. L’acte fondamental que nous devons accomplir et que nous sommes les seuls à pouvoir réaliser, c’est celui d’être reconnaissants envers D’, Lui dire Merci. C’est par la prière que nous pouvons le faire.

Lph: Est-ce pour cette raison aussi que votre communauté participe chaque année au Kotel à une téfila particulière?

Rav O.C.: Ce soir-là beaucoup de communautés prient dans leur synagogue respective selon une téfila particulière. Yom Haatsmaout est un évènement collectif. Il est donc important aussi de le célébrer au Kotel, lieu où tout Israël se rencontre. Le Kotel, et plus largement Har Habayit, représente notre cœur, nos prières, nos traditions. Un peuple ne peut pas vivre sans son cœur même si celui-ci peut avoir du mal à battre.

Lph: Pourquoi selon vous, cette téfila au Kotel, a-t-elle été initiée par des Francophones?

Rav O.C.: Les Francophones sont viscéralement sionistes même s’ils n’en sont pas toujours conscients… Au départ, il y a 10 ans, c’est effectivement le CNEF qui a été à l’origine de cet évènement, puis d’autres communautés se sont rajoutées. Depuis longtemps, il ne s’agit plus d’un minyan francophone mais bel et bien israélien. Nous récitons la prière avec Hallel, en la partageant entre les rites ashkénazes et séfarades. Cette année, le Grand Rabbin ashkénaze, le Rav David Lau, y participera.

Lph: L’absence de téfila au Kotel pour Yom Haatsmaout pendant de si nombreuses années s’explique-t-elle par les débats autour de la façon de célébrer ce jour?

Rav O.C.: Les débats autour de la célébration de la gueoula existent depuis la sortie d’Egypte! Le processus se déroule suivant les plans de D’ieu. L’histoire fera que toutes ces réticences seront oubliées.

Lph: Qu’est-ce que la gueoula selon vous?

Rav O.C.: Pour nos Sages, la gueoula est une indépendance politique, non pas spirituelle. Elle existe dès lors qu’une servitude légale disparait que ce soit au niveau individuel ou au niveau du peuple.

La gueoula a commencé avec l’Indépendance de l’Etat d’Israël en 1948. Nous agissons maintenant pour achever cette Délivrance et atteindre la gueoula chlema, la Délivrance totale.

Lph: Comment définiriez-vous Yom Haatsmaout au regard de ce processus?

Rav O.C.: C’est le point de départ d’un évènement beaucoup plus grand encore que la sortie d’Egypte! En effet, lorsque nous sommes sortis d’Egypte, nous avons quitté, de manière miraculeuse, un pays, dans lequel nous étions en exil depuis deux siècles.

Le retour du peuple en Israël depuis 68 ans se caractérise, lui, par le départ des Juifs, de façon naturelle, de plus de 150 pays, dans lesquels ils étaient éparpillés pendant plus de 2000 ans. De plus à l’inverse de la sortie d’Egypte à la clef de laquelle, un autre exil était prévu, cette fois, nous savons qu’il n’y aura plus d’exil!

Lph : Comprenez-vous la polémique qui revient chaque année sur ce thème?

Rav O.C. : Tout dépend de ce que nous pensons être le contenu fondamental de l’alliance entre D’ et Israël. Pour ma part, j’estime que celle-ci repose d’abord sur la terre et ensuite sur la religion. Il n’y a qu’à lire à quoi se réfère le premier Rachi de la Torah : à la terre. Nous sommes d’abord une nation et après une religion. Toutes les mitsvot sont d’ordre national et ont vocation à être appliquées en Israël.

Partant de là, des jours comme Yom Haatsmaout ou Yom Yeroushalayim ont une sainteté particulière qui ne peut être remise en question.

Ne pas célébrer Yom Haatsmaout, c’est faire preuve d’une ingratitude qui est à l’origine de toutes nos fautes! Dire merci est la seule chose que D’ieu ne peut pas faire à notre place. Le Roi Ezéchias aurait pu être le Machia’h, il ne l’a pas été parce que lorsque la Judée a été reconquise, il n’a pas voulu réciter le Hallel. A méditer…

Lph: Est-ce parce que nous n’affirmons pas assez cette reconnaissance que les Nations contestent notre légitimité, y compris sur le Har Habayit?

Rav O.C.: Le Har Habayit est le foyer des aspirations du peuple d’Israël et de l’Humanité toute entière. Le Beth Hamikdach est défini comme la Maison des prières pour toutes les nations, le lieu d’où sort la lumière.

L’acharnement des Nations contre nous est la preuve que nous vivons un évènement très important qui va à l’encontre de leur idéologie de substitution d’Israël. Quand Israël reprend sa place, les Nations se sentent menacées. Nous portons des valeurs morales, comme la justice, qui ne sont pas considérées comme telles par les Nations. Qu’Israël se trouve au centre d’un affrontement international entre l’Islam et l’Occident n’est pas un hasard.

Le peuple d’Israël a une grande tradition de timidité dans ce concert et cette modestie est poussée à son paroxysme aujourd’hui. Or les Nations attendent de nous un discours fort, nous devons le donner! Ceci étant même si cette parole n’est pas encore prononcée, l’existence même d’Israël est déjà en soi une parole.

D’ailleurs parmi les Nations, beaucoup n’ont pas attendu qu’Israël se déclare. Je pense notamment au mouvement noahide, ces non-juifs qui répondent à un appel conscient ou non et qui enjoignent Israël à porter sa parole.

Lph: Quel est votre vœu pour ce 68e anniversaire de l’Indépendance de l’Etat?

Rav O.C.: Que l’honneur d’Israël soit retrouvé. Que les Nations prennent conscience que la vérité et la justice viennent d’Israël.