Rav Oury Cherki

Le Chabbat - Trente-neuf

Adar A 5782



Le rappel de l'interdiction du labeur le jour du Chabbat précisément au moment où Moise rassemble le peuple pour leur donner les instructions pour l'édification du tabernacle, est interprétée par le Talmud comme étant la clé qui définit les travaux interdit le jour du Chabbat. Cela veut dire que les travaux nécessaires pour construire le tabernacle – au nombre de trente-neuf – définissent les 39 "principes" (Avot) des interdits du Chabbat.

Le Chabbat est l'expression dans le temps du monde achevé, de l'univers qui s'établit après que soit finie la phase de création. De même le tabernacle est dans l'espace le lieu du monde idéal, là où la création est achevée. Il y a donc nécessairement un parallèle entre la manière de créer le monde, celle de la construction du monde humain pendant la semaine, et la manière de construire le tabernacle.

La tradition tannaïtique a consigné dans le Sefer Yetsira (Livre de la Création) l'idée que le monde a été formé sur la base de trente-deux voies : vingt-deux lettres et dix chiffres, qui représentent la qualité et la quantité (Couzari 4e partie, 25). Sept des lettres sont doubles, c'est-à-dire qu'elles se prononcent différemment selon qu'elles sont renforcées par un point (daguesh) ou non. 32+7=39. Donc trente-neuf travaux sont nécessaires pour construire le monde.

Le monde de l'homme comporte deux éléments qualitatifs qui assurent l'existence : le pain et la nourriture. Le premier est vital et le second est auxiliaire. De même qu'il y a vingt-deux lettres dans l'alphabet hébraïque, qui sont classes par Rav Saadia Gaon en deux groupes de onze – les dures et les tendres – ainsi la Michna compte onze travaux nécessaires pour produire un pain et onze autres pour produire un tissu. Comme pour se chausser il faut du cuir, la michna compte aussi sept travaux nécessaires pour produire une pièce de cuir, qui est comme un vêtement plus fort que le tissu, et qui correspond aux sept lettres renforcées par un daguesh.

Il y a aussi l'utilisation de la matière par l'homme. Les anciens classaient la matière en quatre éléments : le feu, l'air, l'eau et les solides. Cela donne huit travaux quantitatifs de construction et de destruction. Pour le feu : allumer et éteindre, pour l'air : nouer et dénouer, pour l'eau : écrire et effacer, et pour la terre : bâtir et détruire. Il reste deux travaux qui sont le fondement de toute action : le passage du néant à l'être – le dernier coup de maillet qui achève un ouvrage, et le passage de l'être au néant – sortir un objet d'un domaine à l'autre.

Précisons que la michna ne donne pas le chiffre trente-neuf, mais emploie l'expression "quarante moins un". Le talmud explique qu'il y a un quarantième labeur qui n'est pas retenu, c'est le martèlement de la farine, "car l'indigent mange son pain sans martèlement".

Cela veut dire qu'on ne demande pas à l'homme d'achever totalement l'œuvre de la création. Une certaine imperfection est tolérée.