Rav Oury Cherki

Le compte de l’Omèr

Une lettre aux Noahides

Publié sur le site du Centre Noachide Mondial



A l’époque du Temple de Jérusalem était apporté, le second jour de la fête de Pessa’h, le sacrifice de l'Omèr, une gerbe d'épis d’orge de la nouvelle récolte en offrande au Dieu d’Israël. A cet instant débutait le décompte des 50 jours jusqu’à la fête de Chavouot, appelé le décompte de l'Omèr. A la fête de Chavouot, des pains à base de blé étaient présentés sur l'autel, mettant en exergue la transition d’une offrande d’orge à une offrande de blé.

En effet, l’orge est l’aliment donné des animaux, alors que le blé est celui de l’homme. La sortie d’Egypte sort l’individu d’un état d’esclave de la bestialité à celui d’être humain. 50 jours est le temps nécessaire pour se libérer du joug de la bassesse de la culture en Egypte et parvenir à entendre la Parole de Dieu au monde Sinaï. 50 jours permettent de passer de l’orge au blé.

Ces 50 jours sont aussi ceux du passage d’une liberté à une autre. La première liberté est celle du non-esclavage – l’on n’est plus esclaves de Pharaon, plus esclaves des forces de la nature. Mais la liberté peut aussi être authentique, intérieure, dévoilée par l’homme dès l’instant où il devient capable d’entendre la Parole de Dieu et de réaliser les commandements de Celui par la Parole duquel le monde fut. Cette transition est celle d’une liberté inférieure, le passage de la libération de l'emprise d'une personne, à la liberté véritable, celle qui permet à chacun d’être à l’écoute de la voix de son Moi intérieur, d’être conscient du dialogue avec son âme. C’est ce qui se passe à Chavouot.

Le compte de l'Omèr peut ainsi être vu comme une période de guérison. Or la guérison est un processus de grande joie – c’est une période où la joie va crescendo, où le battement de l’espoir s’intensifie dans le cœur.

Cependant, c’est également une période très dangereuse. Lorsque l’homme commence à guérir et qu’il n’est plus alité, mais n’a pas pour autant recouvré toute sa santé, le risque de rechuter est grand. La vigilance doit être décuplée. Il en est de même d’un point de vue national, raison pour laquelle le peuple d’Israël a connu de grands malheurs durant cette période.

La première difficulté est apparue avec la première guerre qu’a due affronter Israël, face à Amalek, survenue peut avant le don de la Thora. De même, plus récemment, les combats pour la guerre d’indépendance de Bar Kokhba face aux romains se sont déroulés durant cette période, et les disciples du grand sage Rabbi Akiva, qui étaient également soldats de Bar Kokhba, périrent en masse en ces jours. Ainsi, cette période de joie s’est transformée, au fil des générations, en période de deuil.

Aujourd’hui, grâce à Dieu, nous sommes revenus d’une certaine manière à la joie originelle de cette période à travers les grands évènements du jour d’indépendance de l’Etat d’Israël (yom haatsmaout) et de la journée de libération de Jérusalem (yom yérouchalaïm).

Mais le renouveau de cette joie avait déjà débuté par le dévoilement d’une grande lumière provenant précisément de la maison d’étude de Rabbi Akiva. L’un de ses plus grands disciples, Rabbi Chim’one bar Yo'haï, qui s’était caché dans une grotte pour échapper aux romains, découvrit, le jour de sa mort, des secrets de la Thora qui devinrent par la suite le livre du Zohar et les secrets de la kabbale qui se transmirent en secret de génération en génération jusqu’à nos jours.

Cette joie est célébrée le 33e jour de l’Omèr, lag ba’Omèr, deux semaines avant la fête de Chavouot, célébrant l’intériorité de la Thora qui a donné au peuple d’Israël la force de survivre à l’exil et aux malheurs qu’il a connus. Il savait que dans l’obscurité la plus profonde il portait un enseignement secret qui finirait par dévoiler une grande lumière de Thora au monde entier. Cet enseignement secret, la kabbale, est appelé dans la littérature l’arbre de la vie, pour le différencier de l’arbre de la connaissance.

Nous connaissons tous l’histoire d’Adam et Eve qui ont mangé du fruit de l’arbre de la Connaissance au Jardin d’Eden. Selon les sages de la kabbale, la faute n’était pas d’avoir goûté au fruit de cet arbre mais d’avoir fait précéder l’arbre de la connaissance à l’arbre de la vie. Car la connaissance est certes importante, elle permet à l’humanité de progresser, mais elle occulte la vie véritable, elle prend la place de la source de vie intérieure de l’homme. La connaissance est incomplète et peut même amener l’homme à sa perte. Pour cette raison nous nous rappelons, pendant cette période, que derrière l’obscurité des processus historiques difficiles que nous vivons se cache un filet de lumière éclairant de l’intérieur, la lumière des secrets de la Thora, de l’arbre de la vie.

Cette longue période du compte de l’Omèr est ainsi extrêmement complexe. D’une part elle contient le souvenir des tragédies que le peuple d’Israël a traversé, dont le jour du souvenir de la Shoa – l’un des plus grands désastres de son histoire – le deuil de la mort des élèves de Rabbi Akiva et l’échec de la révolte de Bar Kokhba, ainsi que d’autres malheurs que le peuple a subi au moyen âge à cette période de l’année, les pogroms, les croisades etc. Mais d‘autre part, nous ressentons la joie intense du peuple juif soignant ses plaies et acquérant une indépendance véritable, cette indépendance que découvrent aussi tous les individus sur terre désirant se libérer du joug de la nature afin d’entendre la Parole de l’Eternel.

Signalons enfin une date particulière de cette période de l’Omèr, le 27 Iyar (tombant cette année le 7 mai 2013) qui, selon l’un des comptes possibles, est le jour où Noé est sorti de l’arche et a accepté les sept lois de Noé. Cette date, qui se trouve également dans la période de l’Omèr, associe l’humanité à la joie du peuple d’Israël.