Rav Oury Cherki

Berechite - Mouvement ou fixité?

Tichrei 5782




Dès le début de son commentaire sur la Torah, Rachi nous met en garde de chercher dans le récit de la création une suite chronologique : "on déduit que l'Ecriture ne vient pas enseigner l'ordre des antécédents et des suivants" (commentaire de Berechit I, 1). Il ressort que pour Rachi il est vain de tenter une conciliation des données livrées par la science avec le texte de la Torah, car la Torah parle d'autre chose. De quoi parle-t-elle ? Quel est le propos du récit ? Rabbi Abraham Bar Hiyya de Barcelone (hegyone ha-nefech, part. 1) propose une lecture qui met en évidence deux descriptions de l'ordre du monde : un monde statique et un monde en mouvement. Le monde des trois premiers jours est statique. Il passe de l'abstrait au concret : la lumière, l'air et l'eau, puis le sol et les plantes (qui d'ailleurs ne poussent pas encore, selon le midrache). Or, le monde des trois derniers jours se trouve être la réplique exacte des trois premiers, auxquels est ajouté un seul élément : le mouvement. La lumière statique devient celles des planètes mouvantes, l'air et l'eau sont agités par un mouvement de vie, celui des oiseaux et des poissons, puis les végétaux se déplacent, ce sont les animaux terrestres, et le sol devient l'Homme, porteur d'un souffle divin.

Il est probable que l'intention de la Torah est de nous mettre face à l'origine de la division de la civilisation en deux grandes aires : l'occident (dans le sens très étendu de ce terme : de l'Europe aux frontières de l'Inde) et l'extrême orient. L'intuition fondamentale de l'oriental est que la plénitude, l'Idéal, se résume dans la fixité. C'est qu'il est sensible à l'état du monde des trois premiers jours, alors que l'occidental est sensible à l'idée de progrès, implicite dans le monde des trois derniers jours.

Et Israël ? Eh bien lui est le compagnon du septième jour. C'est le porteur de l'espérance de l'avènement – a travers le progrès de l'Histoire – d'un monde achevé, où le repos n'est pas l'expression d'une passivité immobile, mais bien le fruit de l'effort. C'est donc Israël qui réunit en une synthèse réussie, les deux approches de la réalité, pour réconcilier l'humanité.

Donner un nom à la divinité est caractéristique des spiritualités d'occident, alors que l'oriental – par respect – s'y refuse. Israël est porteur des deux idéaux à la fois : il donne un Nom, mais ne le prononce pas : "Béni est le Nom de Sa gloire". C'est là l'idée qui est transmise par le prophète Isaïe (59, 19-21) : "lorsque que l'on révèrera en occident le Nom de Dieu, et en orient Sa Gloire… viendra le libérateur de Sion". Nous sommes donc invités dès le premier texte de la Torah, à transmettre aux nations le message de l'Unité.