Rav Oury Cherki
Notre monde
Transcription de la leçon (pas encore vérifié par le Rav). Publié sur le site du Centre Noachide Mondial
Notre monde est appelé en hébreu עולם הזה (olam hazé), par opposition au עולם הבא (le monde qui vient, voir notre article sur le "Monde à Venir").
Vivre sur terre
Alors que dans beaucoup de spiritualités l'on s'intéresse essentiellement à la vie qui vient après la mort, l'on peut dire que dans le judaïsme c'est bien le contraire. Ce qui est véritablement le foyer de l'intérêt hébraïque est justement notre monde qui se déroule sur terre. A tel point même que dans la Bible il est principalement question de la paix sur terre comme rétribution à la fidélité aux commandements de D.ieu alors qu'il n'est pas tellement question de la vie à venir.
Vivre pleinement dans ce monde
En effet, du temps où Israël était sur sa terre, dans la plénitude de son royaume avec le temple construit, ce que nous espérons voir se reproduire rapidement de nos jours, la vie terrestre est celle qui emplissait l'homme de joie. La joie fait partie intégrante de la connaissance du Créateur. L'on n'a ainsi rien à rechercher en dehors de cela. Ce n'est qu'une fois que le temple a été détruit que l'on a commencé à oublier l'intérêt porté à ce monde. Un des grands maîtres du hassidisme au début du 19e siècle, rabbi Nahman de Breslev, disait que puisque les prophètes et nos maîtres nous en ont parlé, nous savons que le monde à venir existe. Or, pour ce qui est de ce monde ci, il faut avoir beaucoup de foi, disait-il avec humour, pour croire que ce monde existe quelque part. Car là où nous sommes c'est l'enfer. Ce qu'il voulait dire est que l'état du monde s'est dégradé à tel point que l'homme risque de ne plus trouver d'intérêt dans ce monde. Tout le monde comprend toutefois qu'il s'agit d'une dérivée, d'un accident de parcours. En réalité, le projet de ce monde est ce que l'on appelle le temps messianique. Or, le temps messianique est justement un temps à dimension totalement politique, économique et sociale. C'est le temps de l'indépendance d'Israël, le temps où tous les projets de la Torah peuvent enfin se réaliser. Et où se réalisent-ils sinon sur terre?
Profaner ce monde pour le sanctifier
Contrairement à ce qu'a enseigné le fondateur du christianisme, qui est que la rédemption serait justement pour les âmes et non le corps, il en est tout autrement pour le projet d'Israël. Le projet d'Israël est optimiste puisqu'il s'agit justement de vivre pleinement dans ce monde.
Cela se reflète dans de nombreux détails de la vie, par exemple la formule récitée avant la consommation d'un aliment. Lorsqu'un juif désire consommer une pomme ou tout autre aliment, il doit prononcer une bénédiction. Or cette bénédiction est très intéressante car d'après la conclusion du débat talmudique, la bénédiction ne vient pas consacrer l'aliment, mais au contraire vient le profaner. C'est-à-dire le faire passer de la sainteté d'un monde qui appartiendrait entièrement à Celui qui l'a créé, pour le faire passer dans le domaine du profane, le profane étant l'homme. C'est-à-dire qu'il y a un projet qui consiste à faire sortir de la sainteté, à désacraliser les aliments pour les amener dans le domaine purement humain. C'est ce domaine purement humain qui finalement va véritablement sanctifier l'aliment. C'est la raison pour laquelle après avoir mangé il y a une autre bénédiction ordonnée par la Torah qui est là justement pour élever la consommation du olam hazé, de ce monde. Ca veut donc dire que notre monde est un projet de sanctification de la matière. C'est cela l'entreprise des juifs pendant des siècles, d'arriver à un monde qui soit véritablement sanctifiable. Un monde où il fait bon de vivre, dans lequel il y a une joie pleine et entière, celle dans lequel le hiatus qu'il y a entre les mauvais instincts et les bons instincts est réglé, de sorte que le corps et l'âme ne sont pas, qu'à D.ieu ne plaise, des ennemis l'un de l'autre, ni même indifférents l'un à l'autre, mais au contraire participent l'un avec l'autre à la sainteté.
Sanctification du corps
L'un de nos maîtres, Maïmonide, disait qu'il faut respecter le corps parce que D.ieu ne l'a pas en aversion. Au contraire, le corps nous permet, justement, la pleine santé de l'âme. Les kabbalistes ont été plus loin. Nahmanide, par exemple, explique que non seulement le corps n'est pas fait pour gêner l'âme, il est fait justement pour lui permettre de se manifester. Nous avons donc ici une attitude extrêmement optimiste qui a pour enjeu la sanctification du corps, ce qui se réalise d'ailleurs chaque semaine dans le jour du Chabbat lorsque c'est le repas du Chabbat qui est le lieu de la sanctification et d'un surplus d'âme que l'on appelle en hébreu תוספת נשמה (tosséfète néchama).