Rav Oury Cherki
A'haré-moth-Kedochim - Le projet
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Si un terme biblique prête a confusion, c'est bien celui de sainteté. Trop souvent confondu avec celui de sacré, qui relève du magique ou même du mythique, on oublie sa dimension fondamentale, qui est la relation morale entre le Créateur et la créature. Quand Dieu dit (Vayikra 19, 2) "soyez saints car Moi Je suis saint", c'est comme s'Il était à la recherche d'un interlocuteur qui soit saint comme Lui, afin qu'Il puisse sortir de Sa solitude et entreprendre un dialogue.
La sainteté est identique au projet de la création tel qu'il apparait dans les premiers chapitres de la Genèse. L'analyse du texte, comme l'a démontré le rav Léon Ashkenazi, amène à la conclusion que le temps de l'histoire humaine est celui du septième jour de la création, qui est ce temps où se crée un espace dans lequel l'homme, livré à son libre arbitre, peut accéder à l'état de sainteté, et entrer ainsi dans la phase du huitième jour.
L'accès a la sainteté comporte selon notre double paracha deux phases : une négative et l'autre positive. En premier lieu l'éloignement de la bassesse sexuelle, détaillée dans le dernier chapitre d'a'haré-moth (Rachi), et puis, dans kedochim, l'accomplissement actif d'une liste de commandements destinés à entretenir une triple dimension morale : celle de l'homme envers son prochain, de l'homme envers Dieu et de l'homme envers soi-même. Le plus notoire de ces versets est bien connu (19, 18) : "Tu aimeras ton prochain (envers son prochain) comme toi-même (envers soi-même), Je suis l'Eternel (envers Dieu)".
Ce n'est qu'après une longue liste de commandements que réapparait le terme de sainteté, en tant que signe de la réussite du projet (19, 23-24) : "lorsque vous entrerez sur la terre que je vous donne, et que vous y planterez toutes sortes d'arbres fruitiers… lors de la quatrième année tous leurs fruits seront saints, en louange à l'Eternel". Il est remarquable que la sainteté soit acquise particulièrement à travers une activité agricole en terre d'Israël. C'est que c'est le lieu où la réconciliation entre l'exigence morale et la nature est possible. Le midrache (Vayikra Rabba 25, 3) pousse l'idée à son paroxysme, en affirmant que la plantation des arbres en Eretz-Israël est l'adhésion au Créateur : "marchez après Dieu et adhérez à Lui : depuis le début de la création, le Saint béni soit-Il ne s'est occupé que de planter des arbres, et vous, de même, lorsque vous entrerez sur votre terre, ne vous occupez au début que de plantation".
L'exigence de sainteté, implique donc de surmonter le hiatus entre l'homme et la nature, pour créer l'harmonie entre les éléments opposés de l'identité humaine : le corps et l'âme. C'est en terre d'Israël que cette aspiration est pleinement réalisée, pour la Gloire de l'Eternel.