Rav Oury Cherki

Unique était Abraham

L'oraison funèbre du Rabbin Abraham Hazan

L'article original



Bien souvent la personnalité d'un homme est occultée par les fonctions qu'il occupe. Par l'identification profonde à la tâche à laquelle il s'investit, l'homme en oublie jusqu'à son nom : "Je suis policier / soldat / médecin / fonctionnaire / fermier", ainsi répondent, la plupart du temps, les gens à la question "Qui êtes-vous ?"

La perte de la personnalité, provenant de l'occupation d'une fonction dans la société, représente un danger guettant tout homme confronté à un poste impliquant une immense responsabilité.

Par contre, il existe des hommes qui transforment une fonction grise, administrative, en une fonction humaine, rayonnante, passionnante et chaleureuse. La personnalité est essentielle, et la fonction lui est subordonnée.

Tel était le Rabbin Abraham Hazan, que sa mémoire soit source de bénédiction. Jamais, sa personnalité ne s'est retranchée derrière l'écran de l'officialité que ses nombreuses fonctions auraient pu masquée. Avant tout, il demeurait "Abraham", "Albert".

Il était impossible de ne pas être impressionné par le sourire qui illuminait son visage : un sourire authentique, pas un sourire de pure politesse, un sourire tout entier créant un lien entre son âme intérieure et l'âme de celui qu'il rencontrait.

C'était un homme d'actions, se dévouant sans compter en faveur de la communauté, conscient de la manière dont un acte concret est susceptible de modifier le cours de la vie de nombreux hommes et femmes. Tout cela, animé d'une foi en la force de la volonté de l'homme, s'exprimant par une révolution spirituelle de la Techouva, laquelle a constitué la base du "Keren Hatechouva" qu'il a fondé pour la réhabilitation des détenus.

Homme de méditation, mais sa méditation n'était pas un substitut de la vie, une structure vide de personnalité, bien au contraire : sa méditation lui servait à exprimer de façon réfléchie les intuitions de la vie chères à son esprit.

Ses intuitions fondamentales de la vie provenaient de nombreuses sources, toutes se manifestaient par l'imbrication merveilleuse de deux qualités : la bonté et le courage.

Il portait le nom d'Abraham notre ancêtre, et effectivement, ce nom lui correspondait parfaitement, c'était un homme de bonté, prodigue, qui consacrait toute son énergie à chaque entreprise venant au secours de frères en détresse. Mais il ne s'agissait pas d'une bonté émanant d'une forme de lâcheté, témoignant d'une faiblesse de caractère. Au contraire, c'était un homme courageux, énergique, luttant pour la justice en faveur de l'individu et du peuple ; un homme affable, mais sachant faire respecter ses exigences sans compromission lorsqu'il était clair pour lui que la justice était de son côté.

C'était un éminent Talmid Hakham, interprétant fréquemment des points de Halakha quant à des questions complexes concernant la vie de ceux qui suivaient son enseignement. Dans son cheminement halakhique, il était fidèle à la merveilleuse tradition séfarade de ses pères, qui se nourrissait du principe "La Thora du père précède la Thora du Rav", selon l'expression du Rabbin Yéhouda Ashkénazi – Un enseignement, une Thora, qui ne tombe pas dans le piège du formalisme, lequel est le lot de quiconque ne s'est pas dévoué à ceux qui étudient la Thora, et apprend la Thora dans des livres au lieu de la découvrir par l'entremise d'hommes vivants.

C'était un sioniste, s'identifiant naturellement avec la libération du peuple, animé d'un amour ardent pour Sion et Jérusalem, lié profondément aux racines du Retour à Sion, dans la lignée de la pensée du Rav Kook.

C'était un homme doué d'une grande culture générale, mais sans céder à son caractère vain, pleinement conscient que la parole du peuple d'Israël est porteuse d'un message universel, laquelle doit pouvoir s'exprimer dans le langage de la culture ambiante et aussi "en recueillir les étincelles". A ce propos, il s'était lié d'amitié avec le professeur André Néher et le Rabbin Yéhouda Léon Ashkénazi ("Manitou").

De par ses qualités, il a pu être l'éducateur d'un grand nombre, son rayonnement spirituel redressait en eux les sinuosités du coeur.

Comme nous avons pu nous en rendre compte le Rabbin Abraham Hazan était un modèle exemplaire de dirigeant, s'efforçant et réussissant à être un homme là où il n'y a pas d'hommes, et dans toute chose qu'il a entreprise, D.ieu lui a accordé la réussite.