Rav Oury Cherki

La révélation

Transcription de la leçon (pas encore vérifié par le Rav). Publié sur le site du Centre Noachide Mondial



Dogme du judaïsme

La révélation est l'idée que le Créateur du Monde se révèle aux hommes pour leur transmettre sa Parole. C'est l'un des fondements du judaïsme. Elle est l'un des treize articles de foi de Maïmonide, première tentative de définition du dogme de la tradition d'Israël au XIIe siècle. Par la suite, la tradition rabbinique au cours du Moyen-Âge a préféré restreindre ce nombre, passant successivement à six (rabbi Hasdaï Crescas), puis trois (rabbi Yossef Albo, XVe siècle): l'existence de Dieu, la révélation et la rétribution. C'est une génération plus tard que rabbi Chimon ben Tsema'h Douran, le Rachbats, réussit à réduire le judaïsme à un seul principe: la révélation, תורה מן השמיים (Thora min hachamaïm, la Loi donnée du Ciel).

 

Idée concrète

La tradition d'Israël ne fonde ainsi pas le judaïsme sur une idée abstraite, l'existence de Dieu, mais sur la révélation. En effet, parler de l'Existence de Dieu est quasiment impossible. Il serait de ce fait absurde de fonder la foi des hommes sur une idée non accessible. La révélation, étant une parole vivante transmise aux hommes, est, à l'inverse, quelque chose d'assimilable. L'expérience est vécue par le prophète lorsque Dieu s'adresse à lui. Il n'est pas question d'un concept figé. C'est pourquoi la révélation est ainsi centrale, car elle est la seule expérience connue véritablement.

 

Comment distinguer du faux prophète?

Se pose toutefois le problème de la supercherie. De plus, si réellement Dieu a quelque chose à me dire, pourquoi le fait-il par le biais d'un tiers? C'est pourquoi la tradition d'Israël est extrêmement prudente vis-à-vis de la révélation. C'est également la raison pour laquelle la révélation s'est faite de manière collective. Le Créateur du Monde a d'abord parlé à l'assemblée d'Israël au pied du Sinaï, et ce n'est qu'après cet événement que nous poursuivons cette révélation par l'intermédiaire de la parole de Moïse. C'est parce que Dieu a confirmé la prophétie de Moïse que nous y croyons avec certitude. La prophétie est ainsi codifiée: si les paroles d'un prophète ne sont pas fidèles à l'enseignement de Moïse, nous ne pouvons les accepter. Car aucune révélation individuelle ne pourra jamais supplanter la révélation collective vécue au niveau national. D'où la fidélité entêtée d'Israël à la tradition de la Thora telle qu'elle nous a été donnée à partir du mont Sinaï. Le fait qu'il y ait eu révélation au mont Sinaï fournit la certitude que l'histoire a un sens et que Dieu n'a pas abandonné les hommes.

 

Véracité de la révélation au mont Sinaï

Mais comment être certain que cet événement a bien eu lieu? Dieu s'est-il réellement révélé aux hommes? Il est important d'introduire ici une généralité fondamentale, à savoir qu'un récit fondateur d'une identité nationale ne peut être une invention, a moins que celui-ci ne soit antérieur à la naissance du peuple. Par exemple, dans tous les mythes de l'antiquité, chaque nation ou tribu raconte la manière dont elle a été fondée. Ces mythes sont souvent mêlés à des éléments de mythologie, à l'intervention miraculeuse de quelques dieux se mêlant de l'établissement de la société. Or, si l'on ne peut accorder foi à ces récits, ce n'est pas à cause de leur caractère merveilleux, mais du fait qu'ils ne font pas appel à la mémoire collective. Au contraire, ces récits sont antérieurs à l'établissement de cette identité collective. Ce n'est pas le cas de la révélation du Sinaï, qui est survenue alors qu'Israël était déjà une réalité historique. Or, des traces traumatisantes à l'origine d'une identité collective ne peuvent être inventées. Cela nous assure l'historicité de la révélation du Sinaï.

 

Idée révolutionnaire

Une seconde remarque renforcera notre foi en cet événement, à savoir que pour qu'une chose soit inventée, celle-ci doit être imaginable. Mentir est donné à tout le monde. Chacun peut s'inventer une histoire, prétendre avoir vécu telle expérience. Mais lorsque l'on connaît l'auteur et qu'on le sait incapable d'inventer pareille histoire, on sait que l'on est en présence de la vérité. Or, l'idée que le Créateur du Monde se révèle aux hommes était une idée impensable avant la révélation du Sinaï. En effet, si dans toutes les civilisations il n'est pas rare de rencontrer des dieux proches des hommes ou faisant partie de la nature, l'on n'avait jamais entendu que le Dieu Créateur du Monde, la transcendance absolue, l'Infini, se révèle aux hommes pour leur transmettre les règles les plus basiques de la vie, allant jusqu'à la préparation d'une tasse de café le jour du Chabbat. C'était impensable pour une mentalité antique. Ce n'est qu'après la révélation du Sinaï que l'idée de la révélation de Dieu aux hommes est devenue une banalité, permettant ainsi la création de nouvelles religions basées sur une telle révélation du Créateur.

Pour résumer, les seuls témoignant la parole du Créateur du Monde témoignent que c'est à eux qu'Il s'est adressé. Ils disent donc nécessairement la vérité.

Cette même idée est retrouvée dans le verset du livre du Deutéronome (IV, 32-3): "interroge les générations de l'antiquité et demande toi si l'on n'a jamais raconté, en vérité ou de manière fausse, que le Créateur du Monde se soit révélé à une nation". Or, personne n'a jamais inventé un tel type de récit. C'est que ce type de récit n'était pas inventable. Il est donc certainement véridique.

C'est cette assurance qu'il y a eu dans l'histoire des hommes un moment privilégié où le Créateur s'est manifesté devant une collectivité historique, et que cette même collectivité n'est pas un mythe, le peuple d'Israël poursuivant son existence, qui nous assure que l'histoire a un sens, que Dieu n'a pas abandonné les hommes. Ainsi, la révélation de Dieu aux hommes à travers Israël est l'assurance de l'espérance de l'humanité toute entière.