Rav Oury Cherki

Tazria - Drôles d'oiseaux

Adar B 5782



La cérémonie qui accompagne le retour d'un lépreux au campement d'Israël ressemble pour l'observateur non averti, à une curiosité pour anthropologues, avec connotation de paganisme. Mais elle prend toute sa signification si on prend la peine de l'étudier attentivement.

La Thora ne dit pas expressément quelle est la cause morale de la lèpre, mais le fait même que celui qui en est atteint est relégué en dehors de la société laisse entendre que la cause est l'inadaptation de l'individu à la vie en société. Les sages ont lié plus particulièrement la lèpre à la médisance (lachone hara). Le piaillement des oiseaux figure naturellement l'excès de la parole. L'emploi d'oiseaux pour la cérémonie de purification du lépreux devient donc évident.

Bien que cette cérémonie n'ait pas lieu dans le Temple, la similitude avec le culte du jour de Kippour est frappante. De même qu'à Kippour deux boucs sont présentés dans le Temple, l'un sacrifié sur l'autel et l'autre envoyé à sa perte à Azazel, ainsi deux oiseaux vivants sont amenés par le Cohen, l'un est abattu rituellement, et l'autre, maculé du sang du premier, est envoyé dans la nature en pâture aux rapaces. Dans l'un et l'autre cas, la signification est la même : les forces vitales de l'homme, représentées soit par les boucs soit par les oiseaux, sont divisées en deux catégories. Une partie est sanctifiable et participe du service divin, et une autre est à rejeter, en dehors du monde humain.

Selon un enseignement du Rav Léon Ashkenazi, la racine des commandements de la Thora est à chercher dans les récits historiques des personnages bibliques. Quel serait donc le personnage lépreux, éloigné d'Israël, qui réintègre le peuple, auquel se réfère la Thora dans notre section ? On se souviendra que le premier lépreux mentionné dans la Thora n'est autre que Moise lui-même qui a été momentanément atteint de lèpre après avoir médit d'Israël. C'est après cet événement que Moise réintègre le peuple, dont il était éloigné depuis très longtemps, après avoir renvoyé son épouse Tsipora, dont le nom signifie "oiselle", rompant ainsi ses attaches à Midian, pour redevenir Hébreu. Si on se rappelle aussi que Moise avait été dans sa jeunesse mis dans l'épreuve de choisir entre l'Egypte et Israël, et que le Zohar dit que la lèpre de Moise venait du contact de la fille du Pharaon, la similitude entre metsora (lépreux) et mitsri (Egyptien) devient significative.

On peut en conclure que la Thora révèle que les tentations d'assimilation aux cultures des Nations – qui attentent à l'intégrité de l'identité hébraïque - sont porteuses de sens, et qu'après s'être purifié des éléments nocifs, les contenus positifs sont intégrés dans le campement des enfants d'Israël.