Rav Oury Cherki
Réussir l’histoire
Il y a une seule chose que le Créateur du monde ne peut pas faire, c’est prendre la place de la créature. A l’œuvre de la création est associée l’attente d’un geste venant de la libre volonté de l’homme qui, en collaborant à l’œuvre du Créateur, parachèverait la création. Or, le geste caractéristique de la créature, c’est la gratitude. Il n’y a en effet que celui qui a reçu le bienfait qui peut dire merci. La reconnaissance des bienfaits de l’éternel est le point culminant de la relation morale de l’homme à Dieu, et c’est de cette attitude que dépend en fin de compte l’achèvement réussi de l’aventure des hommes. La faute principale du premier homme d’après la tradition, a été précisément l’ingratitude, et c’est le rôle du Messie de la réparer: "Le Saint, béni soit-Il, voulut qu’Ezéchias soit le Messie et que la libération du joug de Sennachérib soit considérée comme celle de Gog et Magog. Mais il n’a pas récité de louange". Cet enseignement du Talmud (Sanh. 94a) illustre bien l’enjeu de notre époque: savoir reconnaître la main de Dieu dans le miracle de l’indépendance politique d’Israël. Alors qu’il est aisé de diagnostiquer la Providence lors d’un événement surnaturel, il est beaucoup plus méritoire de remercier Dieu pour une délivrance opérée par des voies naturelles, militaires et politiques. Notre génération a eu l’immense privilège de vivre le moment de la restauration de la nation hébraïque, à travers la fondation de l’Etat d’Israël, et d’exprimer sa gratitude par la récitation du Hallel le jour de Yom Haatsmaout.
L’enjeu est encore plus grand lorsque les évènements semblent démontrer des phases de retrait dans le processus de la délivrance d’Israël. Une épreuve similaire est relatée dans le livre des Juges (chap.6), en un temps où les raids midianites harcelaient le jeune peuple hébreu, sorti d’Egypte deux siècles plus tôt. Le juge Gédéon déclare alors : "Dieu est-Il avec nous ? Pourquoi alors nous advient-il tout cela ? Où sont-elles toutes Ses merveilles et Ses bontés que nous ont racontées nos pères, en nous disant que Dieu nous a fait monter d’Egypte. Dieu nous a abandonnés et nous a livrés aux mains des midianites!". Et pourtant, le même Gédéon, qui aurait pu penser que la Sortie d’Egypte avait abouti à un échec, venait de réciter le Hallel le soir du Séder, qui célèbre cet événement (midrache cité par Rachi). Ceci constitue un enseignement important pour ceux que le découragement pourrait tenter de nos jours.
Un détail de liturgie peut sembler de prime abord secondaire, c’est la récitation du Hallel le soir de la fête d’indépendance, outre la récitation du matin. Une étude approfondie des sources révèle qu’il existe une similitude entre la Sortie d’Egypte et la délivrance finale. Le Hallel du soir de Yom Haatsmaout, identique a celui de la fête de Pessa’h, est l’affirmation de notre foi en la parole des prophètes, qui nous ont annoncé que le troisième Retour, celui que nous vivons de nos jours, est aussi le dernier.
C’est la deuxième année que plusieurs communautés francophones d’Israël se réunissent au Kotel pour réciter ensemble le Hallel le soir de Yom Haatsmaout. Soyons donc parmi ceux qui vivent cette expérience inoubliable!